Loi sur la stabilisation et la restructuration des entreprises (StaRUG) et absence de publicité : confidentialité de la procédure ?
Il ne fait aucun doute qu'il existe des configurations pour lesquelles la publicité d’un redressement n'est pas bénéfique. Il peut y avoir plusieurs raisons à cela : à commercer par la réputation et les relations publiques, en passant par la protection de l'actionnaire, jusqu'à la protection des chaînes logistiques sensibles.
Si, par exemple, la crise est déclenchée par l'échéance imminente d’un paiement en remboursement d’un emprunt obligataire et que le refinancement est au cœur du projet de redressement, alors que les relations avec les fournisseurs et les clients ne doivent pas être affectées, il est préférable de mener des négociations avec les créanciers financiers dans un format non public tout en bénéficiant de la protection d'un moratoire. Le risque que les fournisseurs basculent au paiement anticipé ou au moins raccourcissent les délais de paiement, ou que les clients aient des doutes quant à la viabilité future du produit et de la garantie, peuvent avoir des répercussions sur le prévisionnel de trésorerie et donc perturber gravement le projet de redressement.
Alors que l'ordonnance nommant un administrateur provisoire appelé à surveiller un débiteur en gestion directe, notamment dans le cadre du fameux bouclier de protection, n’est pas rendue publique en vertu du code allemand de l'insolvabilité, l'ouverture d'une procédure d’insolvabilité entraîne une publicité totale, même en cas de gestion directe (article 30 du Code allemand de l’insolvabilité).
La loi StaRUG renvoie la décision à ce sujet à l'entreprise débitrice, qui peut considérer elle-même les effets juridiques et l’opportunité d’une telle décision pour le processus de redressement. Aucune annonce publique n’intervient d’office, ni pour la médiation du redressement ni pour une procédure de restructuration.
La loi StaRUG prévoit que tous les créanciers ne doivent pas nécessairement être concernés par les aménagements, mais qu'une différenciation est autorisée en fonction du type de difficultés économiques à surmonter et des circonstances. Cela est possible dans deux cadres différents :
- la médiation du redressement selon l’article 96 de la loi StaRUG (cf. notre bulletin d’information en date du 10.03.2021)
- le plan de restructuration conformément aux articles 5 et suivants de la loi StaRUG (vous trouverez plus de détails dans notre newsletter du 21 avril 2021)
La médiation du redressement reste dans le cadre « privé » des négociations entre débiteur et créanciers, sauf pour deux exceptions : d’une part, dans la demande de nomination d'un médiateur du redressement auprès du tribunal compétent en matière de restructuration (article 94 de la loi StaRUG) ce dernier est informé. Cependant, la médiation du redressement proprement dite, qui vise à trouver une solution pour surmonter les difficultés économiques et financières, a lieu sans l'intervention du tribunal.
D’autre part, le médiateur du redressement, qui agit sous la supervision du tribunal, a seulement le devoir d’informer le tribunal de la survenance d’un état d’une insolvabilité ou d’un surendettement dont il a eu connaissance et de rendre compte de l'état d'avancement (article 96 de la loi StaRUG). Ensuite, si l’entreprise et les créanciers parviennent à la conclusion qu’une homologation par le tribunal de l’accord amiable de redressement est utile, notamment pour éviter des actions révocatoires futures, le débiteur peut en faire la demande (article 97 de la loi StaRUG).
Dans le cas où il n'est pas possible de parvenir à un accord de redressement avec l'approbation de 100 % des créanciers concernés et que l'entreprise cherche à obtenir des mesures de stabilisation supplémentaires et, surtout, un plan de restructuration avec une majorité de 75 % (article 25 de la loi StaRUG) et la possibilité d'un cross-class cram down (article 26 de la loi StaRUG), l'entreprise doit notifier son plan de restructuration au tribunal de restructuration (article 31 de la loi StaRUG – cf. notre bulletin d’information en date du 24.03.2021). Le dossier de restructuration se voit attribuer un numéro RG et l’affaire est pendante. Il appartient également à l'entreprise de décider si l’examen et le vote sur le plan de restructuration avec les créanciers ont lieu dans un cadre judiciaire ou extrajudiciaire (articles 20, 23, 45 et suivants de la loi StaRUG). Dans le cas d'un vote extrajudiciaire, l’entreprise peut et doit elle-même l’organiser ainsi que tenir et documenter la réunion. Dans tous les cas, cependant, le tribunal doit entendre à nouveau les parties concernées par le plan lors d'une audience avant de décider de l‘homologation du plan (article 61 de la loi StaRUG). En règle générale, le tribunal nomme également un mandataire de la restructuration (articles 73 et suivants de la loi StaRUG), dont le rôle est similaire à celui d'un administrateur chargé de la surveillance des actes du débiteur en gestion directe tout en étant appelé à promouvoir les négociations entre les parties concernées.
Ainsi, même dans une procédure de restructuration, la publicité ainsi que la judiciarisation sont réduites au minimum. Cependant, il s’agit bien d‘une absence de publicité et non pas d’une confidentialité prescrite par la loi. En effet, aucune disposition légale ne prévoit une obligation de garder confidentiels les éléments factuels issus des négociations dans le cadre de la médiation de redressement ou de la procédure de restructuration. Même si cela n’était pas usuel dans la pratique des négociations en dehors de toute procédure, l’avènement du nouveau cadre législatif pourrait avantager la conclusion de non disclosure agreements pour sécuriser les pourparlers. Pour une médiation de redressement, aucune publicité n’est prévue par la loi. Cette procédure reste dès lors non publique, à défaut d’être – elle non plus – confidentielle.
Toutefois, si le plan de restructuration doit être mis en œuvre à l'étranger, par exemple parce que les créanciers sont domiciliés à l'étranger ou parce que l’emprunt obligatoire prévoit un lieu de juridiction à l'étranger ou encore parce que le financement intermédiaire ou le nouveau financement est assuré par une banque étrangère, l'entreprise doit examiner s'il est judicieux de demander la publicité de la procédure de restructuration (article 84 de la loi StaRUG). Seule l'entreprise peut faire cette demande. Ce n'est qu'avec cette publicité que la procédure de restructuration sera qualifiée de procédure d'insolvabilité au sens du règlement européen relatif aux procédures d'insolvabilité, pour lequel l'Allemagne a également prévenu de l'inclusion de la procédure de restructuration dans l'annexe A. En conséquence, une telle procédure de restructuration serait alors automatiquement reconnue comme une procédure principale dans le champ d'application de de règlement (Art. 19 du règlement européen sur l'insolvabilité) avec pour conséquence l'application de la lex fori concursus (Art. 7 du règlement européen sur l'insolvabilité), c'est-à-dire la loi StaRUG dans toute l'Europe (sauf au Danemark et, après le Brexit, au Royaume-Uni). Cependant, cette demande de publicité doit être effectuée avant la première décision du tribunal de restructuration, étant dès lors considérée comme étant une décision d'ouverture au sens de l'art. 2 n° 7 du règlement européen sur l'insolvabilité avec pour conséquence un effet de blocage pour les autres procédures d'insolvabilité principales conformément à l'art. 3 alinéa 3 du règlement européen sur l'insolvabilité.
Toutefois, les dispositions permettant la publicité relative à une procédure de restructuration n'entreront pas en vigueur avant le 17 juillet 2022, art. 25 alinéa 2, 3° de la loi sur l’amélioration du droit de l'insolvabilité et sur le redressement. La raison en est que la structure informatique permettant d'intégrer le registre d'insolvabilité allemand (www.insolvenzbekanntmachungen.de) dans le registre européen commun d'insolvabilité (art. 24 du règlement européen sur l'insolvabilité) est encore en cours de révision et que les structures pour les procédures de restructuration ne pourront être créées qu'après. Ce retard comporte le risque que les entreprises dont la restructuration est fondée sur le caractère exécutoire en Europe puissent essayer d'utiliser un cadre de restructuration d'un autre État membre, par le biais du forum shopping, qui leur donnerait une reconnaissance anticipée.
La question de savoir si la reconnaissance par le biais des dispositions du règlement européen concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale est possible d'ici là se heurte à l'exception sectorielle des réglementations sur la faillite. Comme le législateur a décidé de l'entrée en vigueur différée des articles 84 et suivants de la loi StaRUG à titre de mesure de précaution, il faut espérer que les exigences techniques pourront être fournies plus tôt.
Patrick Ehret, Rechtsanwalt (Avocat en Allemagne) & Avocat, Spécialiste en Droit international et de l’Union européenne
D'autres bulletins d'information au sujet du StaRUG sont disponibles à l'adresse suivante https://www.schultze-braun.de/newsroom/newsletter/internationales/
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